LE VECU PSYCHOTIQUE INITIAL              Page 1/2

            Paul Wiener

 

 

Nous avons adopté dans ce travail la distinction établie par Henry Ey (1) entre les expériences délirantes (déstructuration du champ de la conscience) et les hallucinations noético-affectives du travail idéoverbal délirant    (aliénation du Moi)       

 

L'expérience délirante

Un long passage de son traité est consacré au dégagement de la notion d’expérience délirante à partir de l’idée d’un substratum du délire dans l’école française, de l’état primordial du délire de Moreau (de Tours), de la conscience morbide de Ch. Blondel, des expériences délirantes et hallucinatoires d’après P. Guiraud, des expériences délirantes primaires de Jaspers, et des travaux inspirés par la phénoménologie et de la psychanalyse. Si les résultats de ces développements sont probants, et la nature des expériences délirantes en tant qu’événements psychiques soumis aux forces actives dans le champ de la conscience, bien établie, nous complèterons volontiers la pensée d’Henry Ey en insistant sur la nécessité de maintenir plusieurs niveaux d’analyse : Celui des expériences ; le sujet peut en faire le récit. Ce sont des événements, des phénomènes dont il rend compte et qui peuvent éventuellement nous apparaître comme délirants ; celui du vécu bien plus difficile à communiquer dont E. Minkowski (2) a pensé devoir faire une catégorie fondamentale de la vie psychique, située au-delà du conscient et de l’inconscient et celui des mécanismes décrits essentiellement par les psychanalystes.

 

Un peu à part de ces niveaux d’analyse, emboîtés les uns dans les autres, se situe le fond impénétrable mais sensible de l’activité délirante, peut-être le mieux saisi dans son intentionnalité, en tant que folie, par la phénoménologie. A ce fond de l’activité délirante nous paraît appartenir l’état primordial délirant de Moreau (de Tours. (3) Le « fait primordial » est dans sa conception le générateur de tous les faits pathologiques. Il est « la source primitive de tout phénomène fondamental du délire »

 

Cet état est proche de ce que les allemands appellent le «Wahnstimmung », vague à l’âme délirant, justement le fond des troubles psychiques de l’expérience délirante. Le « Wahnstimmung » constitue également l’essentiel des expériences délirantes primaires (Primäre Wahnerlebnisse) de K. Jaspers, (4) l’autre précurseur principal de la notion de l’expérience délirante. Le sens psychologique de l’expérience selon Jaspers consiste dans l’introduction de nouvelles significations dans le monde du malade. L’expérience délirante primaire est une façon de voir des significations inhérentes au monde. Dans la multitude des expériences délirantes (Délire-état, Délirium d’Henry Ey on peut

isoler,en s’en tenant au contenu manifeste, un vécu psychotique initial.

 

Nous nous situons au niveau de l’analyse du vécu, plutôt qu’à celle de l’expérience, pour souligner qu’au-delà du contenu manifeste, ce vécu renvoie à l’inconscient. J’ai souvent remarqué le rôle joué dans la vie pathologique de certains malades par le souvenir d’un premier incident hallucinatoire. Il s’agit d’un faux vécu, au sens où on parle d’un faux-Self.  (5)

 

Observation n° 1 :

M. Reg. 61 ans, souffrede sclérodermie. Anamnèse à peu près impossible. Contact psychotique massif, tension intérieure importante. Peau du visage tendue, avoir une peau jeune, sans rides entre tout à fait dans son délire. Veut convaincre à tout prix. Angoisses. Malgré un délire plutôt pittoresque, je n’arrive pas à m’intéresser à ses histoires. Ancien, forain, vend son délire, comme il a dû le faire avec ses horloges, dans son temps sur les marchés. On s’arrête, on prête une attention distraite et on s’en va. En 1952 la bonté divine, la grâce du ciel, ou quelque chose de semblable l’a enveloppé du pied à la tête. Son énurésie, pratiquée consciencieusement depuis l’enfance, s’est instantanément arrêtée. Alors qu’autrefois aucune nourrice ne voulait se charger de lui, depuis 1952 il est pris en charge par la nourrice divine. Mission à accomplir, « pas un jour à perdre ». « Très porté sur la bible » dit sa femme qu’il terrorise. Se débarrasser de la graisse, des « cristaux » est également très important. Une hospitalisation antérieure en psychiatrie. Au total délire chronique sans dissociation, ni paroxysme. Il refuse tout traitement.

 

Cet incident hallucinatoire est présenté comme le premier dans son genre ; l’est-il vraiment, ou s’agit-il de la condensation en un seul événement de plusieurs autres passés inaperçus mais de signification comparable ? Toujours est-il que ce qu’il a vécu alors sert maintenant de référence aux développements ultérieurs, de point de départ dans l’évolution du délire, c’est devenu un organisateur pathologique.

 

Observation n° 2.

Une malade âgée d’une trentaine d’années, vue dans un hôpital psychiatrique où elle est hospitalisée depuis de très longues années raconte avoir eu auparavant un échange de regards dans le métro avec un jeune homme qu’elle n’a plus jamais revu. Sa maladie daterait de ce jour, ses ennuis viennent de ce jeune homme. Elle n’a consenti à me parler de cette expérience, avec beaucoup d’émotions, qu’une seule fois. Ensuite elle refusait pratiquement de me parler et m’évitait.

 

Observation n° 3. Jeune homme vu en consultation. Il ne travaille plus depuis peut-être six mois, reste à la maison couché, est irritable et plutôt malheureux. Un an et demi auparavant, un soir, sortant de son travail, il a vu comme des petites lumières évanescentes se refléter sur des voitures en stationnement, ou simplement dans l’air. C’est là qu’il lui est arrivé quelque chose, il ne sait pas quoi, qui l’a rendu tel qu’il est actuellement. Il y pense souvent.

 

Un vécu psychotique initial (V.P.I.) répond à une expérience délirante primaire qui dans la conscience du malade constitue une expérience privilégiée subjectivement à l’origine de tout ce qui a pu se passer depuis, dont il cherche l’explication et dont il explore les conséquences. Il apparaît ainsi localisé dans l’espace et dans le temps. Le clinicien situe le moment de la production du V.P.I. juste avant le déclenchement d’un épisode aigu. Les psychotiques qui n’ont pas connu de tels épisodes au cours de l’évolution de leur affection ne semblent pas avoir vécu de moments comparables.

 

Dans les cas n° 1, 2, et 3, les vécus psychotiques initiaux apparaissent rétrospectivement au malade et parfois à l’observateur comme étant à l’origine de la psychose manifeste. Le malade divise son histoire en deux parties bien distinctes, la première comportant la description des événements banaux, habituels de la vie, désormais sans intérêt pour lui ou dont il se souvient comme d’un paradis perdu. La seconde, dont il s’occupe activement, retient toute son attention. Celle-ci ne s’articule pas avec ce qui a pu se passer dans la vie du malade avant la production du vécu psychotique initial mais comporte ses propres intrigues et ses propres significations. Dans les cas de ce type la pathologie introduite par le vécu psychotique initial répond aux critères du processus tels que Jaspers les a énoncés. Il divise la vie du malade en deux tronçons par un changement irréversible. Telle est en tout cas la réalité subjective. Objectivement,les choses ont pu se passer autrement. Le vécu psychotique initial n’est pas vraiment le point de départ de la pathologie du malade, il ne se produit pas seulement une seule fois dans la vie, une fois pour toutes. Une pathologie manifeste, une psychose a pu exister antérieurement.

 

Observation n° 4. M. DLO. Suivi au dispensaire après séjour dans un service Psychiatrique. Le certificat d’internement signale : « éthylisme chronique ayant entraîné en juillet dernier un épisode confuso-onirique, désadaptation socioprofessionnelle, célibataire, isolé social. Rétrécissement du champ de conscience avec préoccupations anxieuses centrées sur ses symptômes fixes ».Une épilepsie a été aussi diagnostiquée.

A l'âge de 32 ans, un jour d'été, il se sent « un peu perdu » a tremblé. S’agissait-il d’un delirium tremens ? Il reconnaît avoir beaucoup bu à ce moment-là. Admis en hôpital général une première fois, quelques mois plus tard une seconde fois. Il s’agit d’un homme de taille moyenne ayant l’air plus âgé qu’il ne l’est. Mal habillé, son costume et sa chemise sont fripés, plutôt sales. Il fume continuellement. Lors de notre première entrevue, il n’a pas pipé mot, son semi mutisme n’était interrompu que par quelques déclarations assez péremptoires, par exemple, « je ne travaillerai plus ». N’a pas de  traitement. Il s’est progressivement déridé au fur et à mesure de l’aggravation de son état et rapidement s’est manifestée une véritable demande thérapeutique. Actuellement, il parle volontiers de ses troubles somatiques, mais il est difficile de l’engager sur un autre sujet. Le contact est excellent, chaleureux, parfois teinté d’angoisse, surtout, quand il va mal. D’abord il ne prenait pas ses médicaments, il les prenait ensuite. Il est un homme bien organisé, sur son calepin sont consignées les dates de ses hospitalisations. Mais malgré cette bonne organisation, il s'est mal débrouillé dans la vie. Il ne rêve pas, il est solitaire, ne semble pas avoir eu de relations féminines.

Ses plaintes hypocondriaques sont multiples. . Il cherche à déposer plainte contre un ami qui autrefois l’aurait agressé. Et surtout, on découvre chez lui un vécu délirant initial. En 1974, après sa première hospitalisation, il a eu l’impression aux toilettes qu’un morceau de viande partait d’où ? - il montre du doigt l’emplacement de son coeur.-; C’est ce qui l’inquiète le plus. Il a eu comme un gargouillement et ensuite quelque chose dans les selles, un morceau de viande ou quelque chose comme cela. C’est comme s’il avait déféqué un morceau de son cœur. On dirait que Monsieur DLO renonce ainsi à l’amour, comme Alberich dans « L’Or du Rhein » de WAGNER. Cet événement s’est passé juste avant le déclenchement de sa maladie. Mais  il y eut « des échos dans les cafés » depuis six ans et quand il est allé au travail, il a entendu dire « Tiens Marcel est là « C’était tout une ambiance » dit-il.

 

Il y a eu à ce moment-là un jeu à la télévision, c’est une machine très compliquée avec des boutons, il a téléphoné immédiatement à la gendarmerie. Si au moins on l’avait prévenu, mais faire ce jeu sans le prévenir c’est très désagréable. Il y a eu des petits ronds blancs et noirs quand on regarde dans le soleil. Il a vu des signaux et cela continue toujours.« Heureusement que j’ai concilié tout cela » dit-il.  Il s'agit d'une machine à influencer qui n’est pas l'apanage exclusif des schizophrènes. Donc l’évolution est ancienne.  Au total, il présente une structure psychotique partiellement compensée par l'éthylisme. L’arrêt de l’intoxication, comme c’est souvent le cas a conduit au déclenchement du processus psychotique actuel sur un mode essentiellement hypochondriaque.

 

Quelle est la signification du Vécu Psychotique Initial ?

On ne peut lui assigner une place fixe dans la chronologie objective du déroulement pathologique, car il ne marque pas toujours le début de la maladie. Celle-ci a pu commencer plus tôt, ou plus tard. Le malade attribue cependant souvent au V.P.I. le rôle de facteur déclenchant, parfois même celui d’un facteur étiologique, en oubliant délires, hallucinations, hospitalisations antérieurs. Comme toujours, le point de vue des malades comporte une part de vérité. Si pour le psychiatre l’évolution d’une maladie mentale constitue un tout, du premier épisode jusqu’au dernier, pour le psychotique les épisodes peuvent s’individualiser. Les malades ont, peut-être davantage que les psychiatres, la possibilité de se rendre compte de l’existence d’un processus actif. Je vois dans le V.P.I. le début subjectif du processus psychotique.  (6)

 

L’adjectif "subjectif" employé ici attribue au V.P.I. le rôle d’un organisateur au sens où R. SPITZ emploie ce terme dans sa description du développement de l’enfant à propos du sourire, de l’angoisse devant l’étranger et la marche. Quelle que soit la validité des critiques adressées à SPITZ notamment par J. BOWLBY  et M. MAHLER (7) ainsi que le discrédit jeté sur cette notion en embryologie d’où SPITZ semble l’avoir tirée, je la tiens pour utilisable en psychologie. La notion d'organisateur désigne ici un vécu réel ou fantasmatique, pouvant se traduire en comportement, autour duquel se groupent les fantasmes conscients ou inconscients rattachés à un macro-processus psychique. Le V.P.I. organisateur pathologique marque le plus souvent le début, le démarrage manifeste du processus psychotique. On pourrait discuter les rapports entre les différents moments de la genèse de la « machine à influencer » décrite par Victor TAUSK et le V.P.I. La machine à influencer se développe à partir des sentiments de changement éprouvés à l’intérieur de soi-même, estime Tausk, auxquels s’associent peu à peu des idées les expliquant par une influence dont l’origine en fin de compte serait extérieure et s’exercerait par l’action médiatisée d’autrui. Le médiateur, la machine, représente symboliquement le corps propre du sujet, projeté. Le V.P.I. pourrait émerger au moment où fantasmatiquement intervient ce changement dans le sujet. Les effets du V.P.I. sont souvent vécus comme définitifs, irrémédiables, alors que la machine pourrait être arrêtée, détruite, supprimée.

Le vécu psychotique initial apparaît au clinicien comme un souvenir dont le malade fait la confidence. A ce titre nous aurions pu l’appeler souvenir psychotique d’initiation. Ce souvenir est un véritable souvenir-écran, ce dernier est rappelons-le, un « souvenir infantile se caractérisant à la fois par sa netteté particulière et l’apparente insignifiance de son contenu. Son analyse conduit à des expériences infantiles marquantes et à des fantasmes inconscients. Comme le symptôme, le souvenir-écran est une formation de compromis entre des éléments refoulés et la défense »

 

Ce qui est dit dusouvenir-écran pourrait être repris — mutatis mutandis — à propos du V.P.I. Le V.P.I. est remémoré très nettement, et si le malade lui attribue beaucoup d’importance l’événement par lui-même apparaît à l’observateur, l’interprétation délirante déduite, là encore, comme insignifiant. Le souvenir-écran cache un retour du refoulé. Nous reconnaîssons aussi dans le contenu des V.P.I. les traces du retour du refoulé. Refoulement du désir sexuel chez la malade de l’observation n° 2, de la satisfaction de ses désirs passifs de prise en charge par M. REG. (Obs. n° 1), d’aimer en sujet actif, d’être capable d’aimer, par M. DLO. (Obs. n° 4). Ce genre de refoulement semble pouvoir expliquer le contenu manifeste du V.P.I. Par contre ce retour de refoulé ne fonde pas le caractère psychotique de ce dernier. La fixation correspondante au contenu manifeste du V.P.I. se greffe peut-être sur des fixations plus anciennes, plus spécifiquement psychotiques, pour faire le mouvement de retour ensemble. Nous avons exprimé quelques idées sur les origines de la psychose   (8)        

 

« L’expérience de la satisfaction permet l’étayage du couple pulsions proprement dites et libido en cours de différenciation sur les fonctions physiologiques correspondantes. La psychose pourrait bien être un échec de l’étayage, soit dans le cas des psychoses non mentalisées par absence ou insuffisance de différenciation des pulsions et de la libido, soit par manipulations anti-physiologiques de la satisfaction hallucinatoire du désir dans le cas plus évolué d’une psychose mentalisée. ». L’investissement antiphysiologique de la satisfaction hallucinatoire des désirs se constitue en fixation. Si on retient une idée de S. Freud : (9) « ...le refoulement n’est pas un mécanisme de défense existant originellement... sa nature consiste seulement dans la mise à l’écart et le maintient à distance de ce qui est conscient ».

 

Retour de l'objet impossible

On peut, en limitant ainsi le sens du terme, parler du refoulement dans la psychose. Ce que le nourrisson éperdu dans la satisfaction hallucinatoire du désir — tel que nous l’imaginons — peut vouloir écarter, est l’existence d’un objet réel. Or nous savons que ce sont effectivement certains aspects de la réalité qui sont rejetés dans la psychose. S. Freud, 1924 (La névrose et la psychose) et 1927 (Le fétichisme).

Au cours d’une psychothérapie de psychotique un certain nombre d’interprétations doivent porter sur des aspects refoulés de la réalité. A ces interprétations les malades peuvent répondre par une recrudescence de l’activité délirante. De même le V.P.I. est suivi d’un épisode aigu. Faisons l’hypothèse suivante : Le V.P.I. est le retour de la réalité refoulée. Cette réalité de retour étant à peu près ceci : il n’y a pas de satisfaction possible sans objet réel. Ce retour est imposé par la désastreuse situation de l’économie psychique, à court d’objet réel, situation qu’on retrouve toujours dans la biographie de la période précédent la production du V.P.I.

L’étayage génétique des fonctions psychologiques sur les fonctions physiologiques étant défectueuse chez les psychotiques, la réalité qui s’impose ainsi par le V.P.I. ne peut inaugurer une période de fonctionnement harmonieux. L’illusion, la satisfaction hallucinatoire du désir qui représentent paradoxalement les forces refoulantes engagent la lutte, classique, entre refoulant et refoulé, et réalisent des prouesses pour maintenir leur suprématie; ainsi se produit la fausse réalité du délire proposée en ersatz de la vraie qu’il s’agit toujours de rejeter. Le caractère souvent assez réaliste du V.P.I. et sa résistance au travail délirant s’expliquent par la présence dans sa constitution de ce germe de réalité refoulée.

Le V.P.I., le retour de l’objet, est un vécu psychique à peu près contrôlé, même si il apparaît à l’observateur dans ses formes ou dans ses contenus comme délirant. En effet, le fonctionnement habituel de la vie psychique n’est pas véritablement perturbé, en particulier le champ de la conscience reste à peu près intact. Le V.P.I. se fixe ensuite en souvenir stable, à l’abri, du moins pour un temps, de l’attrait des expériences délirantes consécutives et de l’élaboration délirante secondaire. Il a cependant ouvert la voie à l’envahissement pulsionnel. C’est comme si le retour de la réalité refoulée, l’accueil réservé à l’objet retrouvé, écartait les défenses fragiles du Moi et autorisait l’envahissement pulsionnel. La production du V.P.I. est habituellement suivie de l’épisode aigu. Ainsi par exemple chez M. DRA. (Obs. n°5) une fois le V.P.I. terminé, les vagues d’envahissement pulsionnel se sont succédées jusqu’à la fin de l’épisode aigu. Les contenus directement issus du Ca, contenus devant rester refoulés, chez tout être humain, prennent la place dans la conscience du sujet du contenu du V.P.I., issu du refoulé individuel.

 

A défaut d’un étayage satisfaisant des fonctions psychologiques sur les fonctions physiologiques, la seconde topique ne peut pleinement s’établir. Les contenus du Ça ne se distinguent de ceux du Moi dans les structures psychotiques que si l’objet n’a pas trop de réalité, c’est-à-dire s’il ne sollicite pas trop les pulsions. L’envahissement par les pulsions, l’apparition dans la conscience des représentations habituellement inconscientes, le développement ouvert des thèmes fantasmatiques archaïques sans transposition symbolique suffisante suivent le V.P.I., sont la conséquence du retour de ce qui a été refoulé, dénié de la réalité. De ce point de vue la réalité refoulée se comporte comme n’importe quel contenu refoulé dans les névroses. Son retour ouvre la voie à la satisfaction. Le refus dans la psychose porte sur un aspect fondamental de la réalité : l’existence même de l’objet alors que le névrosé se contente de s’opposer à la réalité de certaines caractéristiques de l’objet en tant qu’elles sont les supports de la pulsion. Et bien entendu, le refus intervient plus tôt dans l’histoire du sujet psychotique.

 

 

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