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Résumé
Qu'entend-on par structure psychique? La première et la seconde topiques sont avantageusement complétées par le recours à d'autres paramètres, par exemple les modalités d'élaboration, et surtout la plus importante parmi celles-ci : la mentalisation. La psychopathologie nous invite à considérer les constances et les transformations de la structure psychique et leurs conséquences, le degré d'organisation ou de désorganisation des investissements et des défenses. Chez l'enfant c'est plus simple, mais pas forcément plus facile à comprendre.
Mots clés : structure psychique, psychose,
mentalisation,
Abstract
What do we mean by psychic structure ? It is interesting to supplement the first and second topographies with other parameters such as working - over modalities and more especially mentalisation - Psychopathology leads us to consider the constant elements and transformations of the psychic structure and their consequences, the degree of organisation or disorganisation of cathexes and defences. In children this is simpler although not necessarily easier to understand.
Key words: psychic structure, psychosis, mentalisation.
J'ai revu un petit garçon de 5 ans après un an de psychothérapie. Lors des deux premières consultations, il apparaissait tendu, angoissé, sous pression, avec des attitudes de raidissement, infatigable pour se déplacer dans la pièce, gribouillant. Il exprimait à l'occasion des fantasmes archaïques. Un an plus tard, il est transformé, sa tension intérieure a cédé; il est mieux structuré, syntone, avec un côté surdoué, en tout cas bien mentalisé. Son dessin s'est organisé, ce que je ne peux exclusivement attribuer aux effets de l'âge ou à l'influence bénéfique de la situation. J'entends tout de même beaucoup parler du feu, mais c'est un feu contenu dans la cheminée. Ce feu peut néanmoins brûler tout le corps, mais les pompiers viennent, amènent le garçon brûlé à l'hôpital, il guérit. Souvent, on rencontre ainsi des enfants en piteux état qui, ensuite, réagissent bien à la psychothérapie. Si on pouvait prévoir comment les enfants vont évoluer! Certes l'âge et le soutien familial comptent. Les enfants jeunes répondent mieux. Si la famille est là pour accompagner l'évolution, les résultats sont le plus souvent au rendez-vous. Cependant, une vue sur la structure psychique de l'enfant est également utile. Est-ce que le potentiel d'évolution est sauvegardé? Quelle est la structure de base? L'organisation va-t-elle pouvoir s'enrichir? Il s'agit d'apprécier les capacités et les compétences qui soutiennent les acquisitions. À propos des enfants plus grands, des adolescents, des adultes, on peut se demander, quand ils amorcent une décompensation,dans quelle maladie mentale ils risquent de s'engager. C'est en vue d'apporter des éléments de réponse à de telles questions pratiques que l'analyse clinique et conceptuelle de la structure psychique apparaît utile.
La structure psychique
On sait depuis Kretschmer que la structure physique du corps intervient, tout comme l'âge et bien d'autres paramètres, dans l'engagement
de la pathologie. Passer de la structure corporelle à celle de la
psyché soulève des questionnements. Je
remarque que la notion de la
structure psychique est distincte de celle de la personnalité, dont la définition est très difficile, en raison du grand nombre d'auteurs qui l'ont utilisée. En 1927, on dénombrait déjà 50 définitions. Les théories de la personnalité se formulent en général en termes de «type», de
«traits», de «champs», ou encore d' »interactions».
Actuellement, les études expérimentales
tentent d'intégrer les acquisitions scientifiques récentes [3]. La structure psychique n'est pas non plus le caractère, qui est modulation permanente du Moi en fonction des vicissitudes du développement libidinal (caractère oral,
anal...).
La notion de structure est à prendre comme un schéma d'intelligibilité et non comme l'expression d'une réalité (G. Simmel, R. Boudon) [1]. Elle saisit des propriétés formelles et permet une utile analyse conceptuelle. La réalité matérielle sous-jacente est de nature phénoménologique, différente d'un objet d'étude à l'autre et implique l'existence de mécanismes spécialisés également multiples. L'acception du terme varie selon les auteurs. Quant à moi, je suis les indications de Piaget: «la structure est un système de transformation qui comporte des lois en tant que système (par opposition aux propriétés des éléments), et qui se conserve ou s'enrichit par le jeu même de ses transformations sans que celles-ci aboutissent en dehors de ses frontières ou fassent appel à des éléments extérieurs... une structure comprend ainsi les trois caractères de totalité, de transformation et d'autoréglage» [4].
Du point de vue topique
Du point de vue topique (qui répond à la question «où»), une structure psychique est caractériséepar le satisfaisant développement et agencementde la première et de la seconde topique de S. Freud. La Conscience et l'Inconscient sont bien séparés par le Préconscient. Le sujet doté d'un Moi fonctionnel garde l'autonomie et la maîtrise de ses activités.
Du point de vue économique
Du
point de vue économique (qui répond à la question «pourquoi»), une structure psychique détermine dans ses grandes lignes la relation du sujet à son propre inconscient. Elle est régie par un champ de forces, par un rapport de forces internes et externes, tel que le
résultant, vecteur fixé dès la première enfance, reste pour l'essentiel invariant. Elle réserve des possibilités suffisantes d'investissement, autorisant une bonne gestion pulsionnelle.
Du point de vue dynamique
Du
point de vue dynamique («comment»), la structure psychique est l'ensemble des
possibilités régressives du sujet,
répondant au réseau de ses fixations.
Autrement dit, ce qui compte c'est le
niveau d'évolution libidinale où se trouvent situés ses conflits. Les notions de structure et de défense sont à distinguer. Seules les défenses de base, telles que les révèle le «rapprocher» de Maurice Bouvet [2] sont caractéristiques des structures. De même, il convient de ne pas confondre les notions
de structure et de fonction. On ne peut parler de structure d'un sujet que dans la mesure où l'individu a réussi à se constituer
en unité, en personnalité à peu près cohérente.
À défaut, on observe divers phénomènes
pathologiques chez un être psychique-ment
inorganisé, comme par exemple dans certaines psychoses infantiles
diagnostiquées rétrospectivement chez
l'adulte. La structure est la
structure personnelle du sujet et non celle
de sa pathologie. L'examen clinique permet d'en prendre connaissance.
La structure psychique pathologique
Elle est le résultat d'un développement défectueux,
avec différenciation insuffisante des
deux topiques, appauvrissement des
possibilités économiques et des potentiels dynamiques. Certaines
fonctions, trop sollicitées, supportent
tout le poids du fonctionnement, suppléant
du point de vue économique, tant bien que
mal, aux autres, défaillantes. Deux structures psychiques pathologiques apparaissent bien circonscrites. Ce sont les structures psychotique
et névrotique. Elles ont en commun leur incapacité à rétablir
l'équilibre perturbé autrement que par voie régressive (et non progressive : développement, réorganisations créatives,
etc.). C'est donc leur ancrage
libidinal profond qui justifie l'individualisation des structures psychiques
de base. L'évolution libidinale plus tardive installe des modalités
supplémentaires de fonctionnement qu'on peut
désigner comme organisations. Ainsi
la névrose est une structure, mais
l'obsession, la phobie ou l'hystérie
peuvent être considérées comme des
organisations. Une organisation hystérique peut se constater à partir
de 3 ou 4 ans. Alors que la structure de base, même si elle s'aménage, ou se
transforme par des mouvements régressifs, est peu susceptible de changement
véritable chez l'adulte (sauf sous l'effet
de traumatismes graves), l'organisation, elle, peut parfois évoluer,
notamment sous influence thérapeutique. Chez
le garçon dont il a été question plus haut, une meilleure organisation
a pu se mettre en place.
Distinguer structure et organisation psychiques
Je trouve utile de distinguer ainsi structure et organisation psychiques. J'admets
l'existence, chez la grande majorité des
sujets, d'une structure psychique
normale, suffisamment bien constituée, banale. Elle est mise en place
par une évolution libidinale précoce, correcte. L'invariant de la structure
normale est sa tendance à rétablir l'équilibre perturbé par une «rééquilibration majorante» (généralisation de la
notion décrite par Piaget à propos de l'évolution
cognitive). L'évolution ultérieure ajoute des particularités. C'est ainsi que je parlerais par exemple
d'organisation introvertie ou extravertie. A
certaines organisations psychiques normales semble répondre une pathologie, au point qu'on les désigne par le nom de
leur correspondant pathologique. Tel est le cas de la phobie, de
l'hystérie et même de l'obsession. C'est sans doute cette relation de
continuité qui a inspiré S. Freud qui n'admettait
qu'une différence quantitative entre le normal et le pathologique. Dans
d'autres cas, cette relation entre la personnalité prémorbide et la pathologie
est plus lâche et énigmatique, telle entre personnalité schizoïde et schizophrénie.
L'époque contemporaine peut ne plus établir
une relation de ce genre alors qu'elle était
évidente il y a encore quelques siècles, par exemple entre le
tempérament saturnien et la mélancolie. Dans d'autres cas, enfin, il ne semble
pas exister de correspondance entre la personnalité
prémorbide et la maladie mentale
(dépression). Est-ce parce que tout le monde peut se trouver déprimé? Il est commode de faire dériver ainsi la structure
psychique de la pathologie.
Nous parlons donc volontiers de structures
névrotiques (structure du sujet névrotique), de structure psychotique
(structure du sujet psychotique), d'états
limites, de structures psychosomatiques. On peut, comme on le sait,
également procéder à l'inverse. C'est-à-dire
combiner des traits physiques ou de caractère ou encore des variables
obtenues par analyse factorielle après passation de tests et rattacher ensuite
le résultat obtenu à la pathologie. De nombreuses
caractérologies ont adopté l'une ou l'autre démarche. La notion de structure
permet dans une certaine mesure de sortir de ce dilemme poule-oeuf.
La permanence des
structures psychiques est discutée. La
majorité des auteurs pense qu'elles sont modifiables dans une certaine mesure.
La distinction entre structure et
organisation a l'avantage d'individualiser une sorte d'infrastructure permanente et une superstructure plus
malléable. C'est seulement à l'issue de l'adolescence
que l'organisation se fixe sous sa forme définitive.
La structure psychotique
Du point de vue topique
La structure psychotique est caractérisée par la
trop grande perméabilité du passage inconscient-conscient (première topique),
et par la carence psychogénétique de la
fonction du réel (seconde topique) dont
les effets conjoints se traduisent par la menace permanente de
l'envahissement pulsionnel. Chez le futur psychotique,
la séparation précoce du Cs de I' ICs ne s'est pas accomplie
convenablement.
Du point de vue dynamique
Les
structures psychotiques se distinguent par l'insuffisance de l'étayage des
fonctions psychiques sur les fonctions
physiologiques, ce qui oblige le sujet à des manipulations antiphysiologiques
(dont le prototype est la satisfaction
hallucinatoire des désirs). Le sujet reste
par ailleurs inclus dans la relation duelle.
Du point de vue économique
On note l'impossibilité d'une
réelle satisfaction objectale incitant à
la quête typiquement psychotique de l'objet partiel idéalisé, inaccessible,
que j'ai nommée la quête du Graal psychotique. Le parti pris pour le
Ça, pour les pulsions, caractérise la
structure psychotique alors que la
structure névrotique cherche à obéir
aux exigences du monde extérieur (S. Freud).
D'autres structures psychiques pathologiques sont souvent évoquées:
structure épileptique (Minkowska),
psychosomatique, allergique ou
opératoire (Pierre Marty), ou perverse.
Désorganisation-réorganisation
On peut individualiser lestransformations de la structure psychique
comme des processus, c'est-à-dire des enchaînements complexes de phénomènes psychiques entraînant éventuellement des actions de la part du sujet, des réactions de l'entourage avec rétroaction sur l'état mental. Comme le veut Piaget, la structure alors se modifie sans cesser de rester la même. On
peut ainsi parler, par exemple, de processus psychotique.
Les principaux processus selon une telle conception sont de l'ordre de
la désorganisation ou de la réorganisation.
Les psychoses et les épisodes
psychotiques aigus ainsi que la
schizophrénie sont des désorganisations, alors que la paraphrénie et la
paranoïa sont des réorganisations. J.
Bergeret, en revanche, décrit de
multiples structures, chacune avec ses propriétés particulières et ses possibilités pathologiques, sans
autonomiser le processus comme expression de
la discontinuité du fonctionnement psychique. Il ne distingue pas non
plus la structure de l'organisation. Les notions de structure, d'organisation et de processusconstituent pourtant un cadre conceptuel
cohérent et utile pour le clinicien.